Nathalie, la libraire indépendante
Comment est-ce que je choisis mes livres ?
Parfois comme tout lecteur, en écoutant une émission, en lisant un article, en discutant avec un autre lecteur, simplement en m’ouvrant au monde qui m’entoure.
Choisir un livre, c’est d’abord choisir un auteur, puis une maison d’édition et son distributeur.
Un libraire indépendant (autant que faire se peut), s’il veut garder son indépendance, son libre arbitre, doit s’armer d’un certain esprit de résistance. Résister à la pression incessante des distributeurs qui vous inondent d’ouvrages et de propositions alléchantes (pour qui ?), résister aux dates butoirs qui sans cesse vous pressent de commander, sinon vous ne saurez pas proposer à vos clients les nouveautés dans les délais.
Souvent je choisis seule, face à un «fichier catalogue» rempli d’ouvrages, parfois à l’aide d’argumentaires. Quelques fois, grâce aux conseils avisés de représentants, qui auront déjà réalisé un beau travail de sélection ; cela m’aidera à défricher ce chemin parsemé d’ouvrages pas toujours susceptibles de rejoindre mes rayons.
Vous l’aurez compris, on ne nait pas libraire, on le devient, en laissant jour après jour infuser la tisane de nos lectures pour nous guider vers d’autres plus parfumées, moins romancées, plus vraies ou simplement moins engoncées ou plus subtiles.
Et ma ligne éditoriale dans tout cela ?
Faire une énumération et un étalage de mes connaissances vous apportera moins que de vous dire : «J’aime cet auteur, A -t-il publié d’autres ouvrages ? Chez qui ?».
Ce qui donne tout son sens à mon métier, c’est la richesse d’un échange. Vous choisissez un livre et avec lui, un auteur, un échange, mieux encore, une rencontre avec moi et surtout avec ses lecteurs. C’est aussi, dépasser le livre, aborder la création, la démarche réflexive qui a conduit le cheminement de l’ouvrage, de l’intrigue parfois. La relation au monde, avec ses personnages, qu’entretient l’auteur. C’est encore, pénétrer parfois dans l’intime, le vrai et se sentir proche parce qu’il aura cette phrase, ce vécu commun. C’est aussi cela un libraire, relier les mondes, faire se frotter des pensées et créer des éclairs. Pour que toujours perdure le goût de lire qui est aussi celui de transmettre.
Et parce que les livres nous disent que toutes ces histoires, auraient seulement été vécues si elles n’avaient pas été écrites.